LA COMMUNICATION EN PÉRIODE ÉLECTORALE : LES POINTS DE VIGILANCE

Que vous soyez directeur-trice de communication d’une collectivité territoriale,  candidat.e ou collaborateur-trice, vous avez plus ou moins en tête les restrictions en matière de communication en période pré-électorale et électorale. Si ce n’est pas le cas, un grand nombre de guides du candidat sont disponibles sur le net. 

Pour autant, au travers de mes échanges, j’ai pu identifier des points souvent négligés par les candidats et à l’inverse, de la part des services de communication, des réflexes d’autocensure excessifs qui nuisent à la continuité du service public.

Voici un récapitulatif des points essentiels du code électoral accompagnés des points de vigilance à avoir au regard de la jurisprudence, ainsi que les bonnes pratiques à mettre en place.

Sommaire

 

Les périodes clés pour le code électoral

J – 6 mois La précampagne

J – 15 jours La campagne officielle

J – 7 jours

Le week-end du scrutin

 

Les notions à préciser et points de vigilance

Les collectivités intéressées par le scrutin

Les concours en nature

Les travaux bénévoles des militants

Les prestations des travailleurs indépendants

Les droits d’auteurs et droits à l’image

 

La communication en période pré-électorale appliquée à la communication territoriale

Les enjeux

Les critères retenus par le juge de l’élection

Les bonnes questions à se poser en tant que dir’ com

Concrètement, comment rédiger ?

Les tribunes libres

Les cartes de voeux

La com’ interne

Le site internet de la ville

 

Les règles de remboursement pour les communes de moins de 9 000 habitants

Les périodes clés pour le code électoral

J – 6 mois La précampagne

« Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. »

Article L. 52-1 du code électoral

Ainsi, sont interdits les encarts publicitaires dans la presse, temps d’antenne à la radio ou à la télévision (…), même effectués gratuitement. Sur Internet : achat de liens sponsorisés ou de mots-clefs, référencement payant, publicité payante sur les réseaux sociaux.

 

Néanmoins, l’utilisation de ces procédés reste admise pour les demandes de dons.

« A compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin. »

 

En revanche, le candidat peut « dans le cadre de l’organisation de sa campagne, faire la présentation du bilan de la gestion des mandats qu’il détient ou qu’il a détenus si les dépenses afférentes sont soumises aux dispositions relatives au financement et au plafonnement des dépenses électorales ».

Article L. 52-1 al.2 du code électoral

Cette loi a pour but de ne pas avantager le candidat sortant, ou un candidat ayant été auparavant membre de l’équipe municipale, en interdisant que les outils et moyens de communication de la collectivité soient utilisés au profit de la campagne électorale.

Point de vigilance : Attention, cela s’applique également à la communication interne.

« Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. »

Article L.52-8 al.2

Point de vigilance : Si la participation au financement d’une campagne s’entend le plus souvent comme dons d’argent, on oublie souvent que la notion est bien plus large et que tout concours en nature d’une personne morale est interdite. S’il provient d’une personne physique il doit être comptabilisé dans les comptes de campagne (Voir plus bas « Les concours en nature »).

J – 15 jours La campagne officielle

Interdiction de coller des affiches autres que celles approuvées par la commission de contrôle et ailleurs que sur les emplacements officiels.

La distribution de tracts n’est plus interdite pendant la période électorale depuis la loi du 14 avril 2011.

J – 7 jours (à l’appréciation du juge)

« Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale. »

Article L48-2

Point de vigilance : L’élément nouveau peut être un élément déjà rendu public antérieurement. Mais si cet élément n’a pas fait partie des thèmes de campagne – auquel cas, l’adversaire aurait eu le temps de riposter – c’est bien l’impossibilité temporelle d’y répondre qui prévaut.

Exemple : Annulation de l’élection législative 2002 Paris 17e circonscription.

A l’inverse, bien que le candidat ait parfois le temps et le moyen pour répondre, c’est aussi la possibilité matérielle d’y répondre qui sera évaluée. 

Le week-end du scrutin

« A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents.

A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale. »

Article L. 49

Point de vigilance : Le site ou blog du/de la candidat-e peut rester en ligne du moment qu’il ne diffuse pas de nouveaux messages à caractère de propagande électorale durant ces deux jours. En revanche, s’il existe un espace de discussion ou de commentaires, il devra être bloqué.

Pour la gestion des réseaux sociaux, voir l’article Les réseaux sociaux en période électorale.

Les notions à préciser et points de vigilance

Les collectivités intéressées par le scrutin

Le terme collectivités intéressées par le scrutin est large, il comprend leurs établissements publics et leurs satellites, publics ou privés. Sachant que les listes comprennent un grand nombre de candidat-es qui peuvent être élu-es par ailleurs, veillez à toutes les interconnexions qui pourraient entrer dans ce cadre. Toute aide provenant de ces « partenaires » sera considérée comme un don, ce qui est interdit.

Collectivités et leurs établissements publics

Exemples issus de la jurisprudence :

  • Un prestataire de service d’eau donne la liste de ses clients à un candidat pour enrichir la liste de diffusion de sa newsletter,
  • Un chef d’entreprise privée gestionnaire d’une piscine en DSP produit une plaquette pour promouvoir son équipement avec la photo du Maire sortant en gros plan.

Ces actions sont considérées comme des dons —> 3 ans de prison.

Les concours en nature

Il s’agit de toutes les prestations dont le candidat a pu bénéficier qui n’ont pas donné lieu à une facture ou à un mouvement de fonds, ou ayant fait l’objet d’une évaluation. Toute dépense évaluée ou estimée, à l’exception des frais de transport et de téléphone (sous certaines conditions) est considérée comme un concours en nature, non susceptible d’entrer dans le calcul du remboursement forfaitaire.

Il en est ainsi :

– de l’usage de biens personnels du candidat, des colistiers ou du remplaçant pour la campagne ;

– de concours apportés par une formation politique dans le cadre de ses activités normales de soutien à ses candidats ;

– de tout concours gracieux apporté par une personne physique.

L’équilibre comptable veut que les concours en nature soient inscrits en recettes, mais aussi en dépenses.

Les concours en nature n’ouvrent pas droit au remboursement forfaitaire de l’État mais sont assimilables à des dons pour leur montant évalué et donc soumis aux interdictions et plafonnements de l’article L. 52-8.

Comme indiqué précédemment, les concours en nature provenant de personnes morales (autres que les partis politiques qui se conforment à la législation sur la transparence financière de la vie politique) sont prohibés et susceptibles d’entraîner le rejet du compte.

Les travaux bénévoles des militants

Les services rendus traditionnellement, à titre gratuit, par les militants, et lorsqu’ils sont sans lien direct avec leur activité professionnelle, n’ont pas à être évalués ni intégrés au compte (ex : collage d’affiches, distribution de tracts, travail informatique).

Cependant, dès lors qu’un militant réalise, à titre gratuit, des prestations (réalisations de tracts, de vidéos, d’un site internet, de prestations de conseil etc.) dépassant ces services rendus traditionnellement et que ces prestations sont en lien direct avec leur activité professionnelle, le coût de celles-ci devra être évalué et intégré au compte de campagne au titre des concours en nature fournis par les personnes physiques.

Les prestations des travailleurs indépendants

Pour l’exécution de tâches ponctuelles pendant une durée limitée, le candidat peut faire appel à des travailleurs indépendants qui présenteront des notes d’honoraires ou factures. Celles-ci devront indiquer précisément le nom du prestataire de service, la nature et la date de la prestation fournie ainsi que leur coût réel qui doit correspondre au prix du marché.

Les droits d’auteurs et droits à l’image

Le ou la candidat.e peut acheter, ou même se faire céder gratuitement des images prises dans le cadre de la communication de sa ville ou de toute collectivité territoriale. Mais attention, c’est une réutilisation. Il faudra donc redemander les droits à l’image (lire l’article : Tout savoir sur le droit à l’image) et vérifier s’il y a des droits d’auteurs (lire l’article : Tout savoir sur le droit d’auteur). Le ou la photographe est en droit de demander des droits de reproduction et le paiement de ces droits doit entrer dans les comptes de campagne.

La communication en période pré-électorale appliquée à la communication territoriale

Les enjeux

Le non-respect des règles détaillées ci-dessus risquerait de faire apparaître votre communication institutionnelle comme de la propagande politique en vue des prochaines élections et de faire entrer les dépenses municipales de communication dans le compte de campagne du candidat.

Malgré tout, les fondamentaux du service public doivent être respectés durant la période pré-électorale :

  • Continuité
  • Neutralité
  • Egalité
Les critères retenus par le juge de l’élection

Quatre critères sont utilisés par le juge de l’élection pour déterminer si une campagne de communication « institutionnelle » présente un caractère électoral :

 

  • L’antériorité : vous devez vous assurer que l’action de communication n’a pas été créée spécifiquement en vue des élections. Il sera donc exclu de créer toute nouvelle action.

Malgré tout, la création d’un site internet, résultant d’un processus long, est autorisé à condition que le contenu soit neutre, informatif et dénué de caractère polémique ou partisan. Ce critère n’est pas déterminant à lui seul.

 

  • La régularité : la périodicité des manifestations et publications comme celle du magazine municipal par exemple, ne doit pas être modifiée.

 

  • L’identité : la forme des supports de communication de la collectivité ne doit pas être modifiée. Vous ne pourrez pas en augmenter la pagination, modifier la maquette du magazine municipal, ou augmenter fortement le nombre d’exemplaires de flyers par rapport aux autres années, pour la communication d’un même événement.

 

  • La neutralité et l’objectivité : l’information communiquée par la collectivité ne devra comporter que des messages politiquement neutres à caractère purement informatif.

L’information doit être publique, c’est à dire qu’on ne peut communiquer que sur des projets qui ont fait l’objet d’un acte administratif.

C’est le critère de fond qui reste le paramètre déterminant dans l’appréciation du juge.

Exemple issu de la jurisprudence :

« Considérant que le journal cantonal de M. (…) Pour (…) de décembre 1992 contient pour l’essentiel des informations générales ; que cependant certaines des pages de ce numéro comportent des éléments rédactionnels et des photographies consacrés à la promotion de l’action de M. (…) ; que lesdites pages revêtent un caractère de propagande électorale ; que le coût y afférent correspondant à l’équivalent de trois pages sur seize, soit une somme de (…), doit figurer dans les dépenses retracées par le compte de campagne de l’intéressé ».

Extrait de la Décision n° 93-1327/1360 AN du 25 novembre 1993

Les bonnes questions à se poser en tant que dir’ com
  • Est-ce qu’on m’aurait demandé de faire cette com’ hors période pré-électorale ?

 

  • Si oui, l’aurais-je fait de la même façon ?

 

  • Ai-je un document légal prouvant que le projet dont je parle est acté ?
Concrètement, comment rédiger ?
  • Dépersonnaliser les formules : on n’écrira pas « le-la maire » ni « la municipalité » mais « la ville » ou le « conseil municipal »
  • Ne pas employer d’adjectifs qualificatifs
  • Retirer tout ce qui peut être valorisant
  • Ne pas faire de « avant / après »
  • Ne pas faire de référence aux promesses de campagne
  • Ne pas communiquer sur les projets mais uniquement sur ce qui est acté sur un acte administratif.

 

En bref, faire de la dépêche AFP

 

Les photos du-de la maire :

à l’occasion d’une inauguration oui

à l’occasion d’un reportage sur les travaux en centre-ville non

Exception : les restrictions de promotion ne s’appliquent pas pour la culture, le développement économique et le tourisme tant qu’elle reste dans le cadre strict de l’objectif d’attirer de nouvelles populations, de nouvelles entreprises, des touristes et qui serait ciblée spécifiquement sur ces populations (par opposition aux habitants). Bref dans le cadre d’une campagne de marketing territorial qui, dans cette période, peut donc continuer.

Exemple issu de la jurisprudence : « Les campagnes d’information, de sensibilisation ou de promotion commerciale, touristique et économique ne relèvent pas de la prohibition édictée par le second alinéa de l’article L. 52-1 et restent autorisées durant la période électorale. ( CE, 9 oct. 1996, Élections municipales de Cherbourg, req. n° 176893, 176795 et 176824 – CE, 21 déc. 2001, Élections municipales de Guerchy, req. n° 234977, CE, 7 juill. 1993, Roustan, req. n° 142798 – CE, 6 mars 2002, Elections municipales de Bagnères-de-Luchon, req. n° 235950) »

Les tribunes libres

« En période électorale le contenu de la tribune libre d’un journal d’une collectivité ne doit avoir qu’un caractère strictement informatif et ne retranscrire que les positions prises par les groupes politiques sur les décisions institutionnelles adoptées par leur collectivité.

En effet, si tel n’était pas le cas, ces articles pourraient être considérés, sous réserve de l’appréciation souveraine des juges, comme des documents de propagande électorale. Ils constitueraient ainsi des avantages en nature assimilables à des dons consentis par une personne morale, prohibés par la loi de 1995. »

Guide du candidat et du mandataire CNCCFP

Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

Points de vigilance : Pour éviter tout litige, certaines collectivités sont tentées de suspendre les tribunes libres pendant la période de pré-électorale. C’est une erreur. En effet, les tribunes ne doivent en aucun cas être supprimées, même avec accord de toutes les parties prenantes, car le droit d’expression doit impérativement être maintenu.

 

En effet, depuis 2002, l’article 2121-27-1 du CGCT indique que les communes de 3 500 habitants et plus* doivent réserver un espace d ‘expression aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale dans leurs bulletins d’information (journal et site internet). S’il y est fait référence à aux dispositions définies par le règlement intérieur de la collectivité, ce droit n’y est néanmoins pas subordonné et doit s’appliquer tout au long du mandat. * 1 000 habitants et plus à partir de 2020

Attention, il s’agit uniquement des tribunes de l’opposition – issues d’un droit fondamental lié à l’exercice du mandat d’opposition. Ce droit ne concerne pas les tribunes de la majorité, qui elles, ne sont pas issues du droit mais d’une stratégie de communication sans fondement juridique. Pour ces dernières, il conviendra de suivre à la lettre les consignes de neutralité ou de les suspendre, avec un petit texte explicatif. 

Au vu de ce déséquilibre légal en matière d’expression, on comprend aisément que la suspension des tribunes pourrait être jugée comme une manoeuvre électorale.

 

Si certains groupes politiques ne respectent pas les consignes, les tribunes doivent tout de même être publiées et la majorité ne doit surtout pas répondre. C’est par la voie légale que la chose doit se régler.

Quand à l’édito du maire, il peut être supprimé, mais rien n’y oblige, tant qu’il reste dans le cadre des consignes de neutralité décrites plus haut.

Les cartes de voeux

Les cartes ne devront contenir aucune allusion aux prochaines élections et être envoyées dans les mêmes conditions que les années précédentes : autant de destinataires, mêmes catégories de population.

Points de vigilance : Vous ne pourrez pas envoyer de carte de voeux aux nouveaux arrivants de la ville.

La communication interne

Comme indiqué plus haut, ce qui s’applique à la communication externe, s’applique aussi sur la communication interne.

Le site internet

En plus de respecter les règles de rédaction présentées plus haut, retirez tout document défendant le mandat et notamment le bilan de mi-mandat ou de mandat. S’il est intégré à votre magazine municipal, vous pouvez ré-éditer un pdf auquel vous aurez retirées les pages dédiées, afin de laisser accessibles les informations habituelles.

Et les réseaux sociaux ? Voir l’article Les réseaux sociaux en période électorale : ce que dit la loi

Les règles de remboursement pour les communes de moins de 9 000 habitants

Les règles de financement et de remboursement des campagnes électorales diffèrent pour les communes de moins de 9 000 habitants. Ce qui, malheureusement, impacte le budget et donc la qualité des documents de communication.

 

Les candidat.es ne sont pas soumis à l’obligation d’ouvrir un compte de campagne puisqu’il n’ouvre droit à aucun remboursement. De fait, les dépenses électorales ne sont pas plafonnées et les candidat.es ne sont pas tenu.es de désigner un mandataire financier.

Toutefois, le-la candidat.e tête de liste peut ouvrir un compte bancaire spécifique, au nom de la liste, sur lequel transiteront les fonds destinés à financer la campagne et qui servira à régler les dépenses électorales. Ce compte bancaire pourra être alimenté par :

  • Le-la candidat.e tête de liste et ses colistiers.
  • Des dons de personnes physiques. Mais ceux-ci ne pourront ouvrir droit à aucun avantage fiscal.
  • Les partis politiques qui peuvent régler des dépenses électorales pour le compte de la liste.

Modalités de remboursement des frais de propagande officielle* par l’Etat pour chaque strate de commune :

Tableau Modalités de remboursement des frais de propagande officielle par l’Etat pour chaque strate de commune

* Affiches (Une affiche officielle A1 et deux affiches A3 pour l’annonce des réunions publiques), circulaires, bulletins de vote. Seuls les frais d’impression sont pris en compte, pas la création graphique.